La notion d’usage d’un bâtiment ou d’un local
L’usage d’un bâtiment ou d’un local est défini dans le permis de construire et relève du code d’Urbanisme. Cette notion désigne la fonction attribuée à un bien immobilier, à savoir s’il est destiné à être utilisé pour l’habitation, un usage commercial, artisanal, industriel, ou encore pour des bureaux.
Un changement d’usage nécessite des démarches administratives complexes et soumises à autorisation, notamment lorsqu’il s’agit de transformer un logement en local commercial ou en bureaux.
Dans le contexte actuel de pénurie de logements touchant les grandes villes de plus de 200 000 habitants et les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le passage d’un local d’un usage d’habitation à un autre usage est soumis à une autorisation préalable délivrée par le maire de la commune où est situé l’immeuble (Article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation).
Cet article vise à protéger l’équilibre entre les différents types d’activité dans les zones urbaines denses et à éviter la conversion de bâtiments à usage d’habitation au profit d’activités professionnelles là où la tension immobilière sur le logement est forte.
La notion de destination d’un local commercial
La notion de destination d’un local commercial est une clause essentielle du bail commercial. Elle détermine l’activité qui peut être exercée dans le local et doit être respectée par le locataire tout au long de la durée du bail. L'exercice d’une autre activité que celle(s) expressément mentionnée(s) dans le bail est considéré comme une violation du contrat et peut être lourdement sanctionnée.
Il est possible de faire évoluer cette destination a posteriori en respectant une procédure que nous détaillerons dans la suite de l’article.
La distinction entre usage et destination
Il est important de distinguer la notion d’usage d’un bâtiment ou d’un local de celle de destination ; car ces termes sont souvent utilisés abusivement de manière interchangeable.
- L’usage concerne la fonction juridique du bâtiment : habitation, commerce, industrie, bureau, etc. Il est déterminé par des règles d’urbanisme, en fonction de la zone dans laquelle se situe l’immeuble.
- La destination, quant à elle, correspond à l'activité que le locataire est autorisé à exercer dans le local, conformément aux termes du bail commercial.
La destination est donc contractuelle, tandis que l’usage est défini dans le règlement de copropriété, au moment de la construction du bâtiment ou bien dans la révision 70. Les évolutions éventuelles sont soumises à la réglementation.
La rédaction de la clause de destination du bail commercial
Le locataire d’un local commercial n’est pas libre d’exercer l’activité de son choix dans le lieu loué, mais uniquement celle(s) prévue(s) dans la clause de destination du bail.
L’article 1728 du Code Civiloblige le locataire d’user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail.
Cette clause est un élément structurant du contrat, sa rédaction mérite donc une attention particulière. La description de l’activité doit être claire et suffisamment détaillée pour éviter toute ambiguïté. Une formulation floue ou trop générale peut, en effet, être source de litiges entre le locataire et son bailleur. Par exemple, au lieu d’indiquer simplement « équipements de la personne », il est préférable de préciser « commerce de détail de prêt-à-porter ».
Si le locataire envisage d’avoir plusieurs activités, il est possible de différencier l’activité principale des activités connexes ou complémentaires. Dans ce cas, le contrat pourra préciser si l’occupant a l'obligation de les exercer simultanément. Si le bail reste silencieux sur ce dernier point, le locataire n'aura pas l'obligation d'exercer toutes les activités prévues au bail.
Comment changer la destination d’un local dans le bail commercial ?
Nouvelle activité incluse dans celle mentionnée initialement dans le bail
Lorsque l’activité que souhaite exercer le locataire est considérée comme incluse dans l’activité initialement prévue au bail, aucune démarche particulière n’est nécessaire auprès du bailleur.
Cela s’applique notamment si cette nouvelle activité découle de l’évolution des usages ou des tendances du marché.
Quelques exemples d’activités généralement considérées comme incluses :
- La vente de boissons non alcoolisées dans une boulangerie-pâtisserie,
- La distribution de produits de parapharmacie dans une pharmacie,
- La commercialisation de produits de beauté dans un salon de coiffure.
En cas de litige, les juges statuent au cas par cas, en tenant compte des particularités de chaque situation.
La déspécialisation partielle du bail commercial
Quand le locataire souhaite ajouter une ou plusieurs activités connexes ou complémentaires à celles prévues initialement dans le bail, on parle de déspécialisation partielle. Ces nouvelles activités doivent être suffisamment liées à l’activité principale et être exercées dans les mêmes conditions que celle-ci.
Par exemple, dans le cas d’un bail stipulant que le local est destiné à la vente de vêtements, une demande de déspécialisation partielle est nécessaire pour y ajouter un rayon de sacs à main ou de chaussures.
Conformément à l’article L. 145-47 du Code de commerce, la procédure à suivre est la suivante : le locataire doit notifier son projet au bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte de commissaire de justice (anciennement acte d’huissier de justice).
Le bailleur dispose alors d’un délai de deux mois pour répondre. En cas de désaccord sur le caractère connexe ou complémentaire des activités ajoutées, il revient au juge du tribunal judiciaire de trancher.
Si le bailleur accepte la déspécialisation partielle et que la valeur locative du local s’en trouve améliorée, il pourra demander une réévaluation du loyer lors de la révision triennale suivante.
La déspécialisation plénière ou totale du bail commercial
Si le locataire veut ajouter ou substituer une nouvelle activité à celles prévues dans le bail, on parle de déspécialisation plénière ou totale. Cette démarche doit respecter 3 conditions cumulatives :
- La demande doit être motivée par une évolution de la conjoncture économique affectant la rentabilité de l’activité initiale,
- La nouvelle activité doit correspondre aux besoins du marché local et l’évolution des attentes de la clientèle,
- Elle doit être compatible avec l’usage, les caractéristiques et la situation de l’immeuble.
Selon l’article L145-49 du Code de Commerce, la demande de déspécialisation totale doit être adressée au bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte de commissaire de justice. Les créanciers inscrits sur le fonds de commerce (1) doivent également être avertis de cette démarche par le locataire.
Le bailleur dispose de 3 mois pour donner sa réponse, à défaut, son silence vaut acceptation.
Si le bailleur s’est engagé envers d’autres locataires de l’immeuble à ne pas installer ce type d’activité (via une clause de non-concurrence), il doit les informer du projet de déspécialisation par lettre recommandée avec AR ou par acte de commissaire de justice. Les locataires ont un mois pour se manifester, leur silence vaut acceptation.
En cas de refus de la déspécialisation, le bailleur doit invoquer un motif grave et légitime, ou se prévaloir de son engagement de non-concurrence. Si le locataire conteste cette décision, il peut saisir le Tribunal judiciaire (anciennement Tribunal de grande instance) pour trancher le litige.
Si la déspécialisation totale est acceptée, le bailleur peut immédiatement demander un réajustement du loyer à la valeur locative, sans attendre la prochaine révision triennale. En outre, il peut réclamer une indemnité de déspécialisation en cas de préjudice avéré, notamment si les charges non récupérables augmentent ou si la valeur des loyers des autres locataires diminue en raison des nuisances liées à la nouvelle activité. Le bailleur doit prouver ce préjudice pour obtenir une compensation.
Changement de destination et copropriété
Le changement de destination d’un local commercial situé dans une copropriété est une démarche qui n'appartient qu'au bailleur en tant que copropriétaire. Elle est soumise à un vote en assemblée générale. Le règlement de copropriété définit les règles d’usage et de destination des parties privatives et communes de l’immeuble. Il peut restreindre ou interdire certaines activités commerciales, par exemple, pour des raisons de nuisance ou de compatibilité avec les autres activités présentes dans la copropriété.
- La première étape consiste à lire attentivement le règlement de copropriété pour déterminer la destination initiale du local et vérifier si l’activité envisagée est conforme à celle-ci.
- Le règlement peut imposer des restrictions spécifiques sur l’usage commercial de certains lots (ex. : interdiction d’exercer une activité bruyante ou polluante).
Si le changement de destination du local est envisagé, il est nécessaire d'en demander l'autorisation lors de l’assemblée générale des copropriétaires.
Le bailleur devra solliciter, auprès du syndic de copropriété, la mise à l’ordre du jour de la question du changement de destination lors de la prochaine assemblée générale. Au cours de celle-ci, les copropriétaires devront se prononcer sur le changement de destination à la majorité des voix des personnes présentes ou représentées.
Les sanctions encourues en cas de non-respect de la destination inscrite dans le bail commercial
Si le locataire ne respecte pas la clause de destination prévue dans le bail qu’il a signé, il se met en infraction et risque des sanctions.
La résiliation du bail commercial
L’une des sanctions les plus sévères en cas de non-respect de la destination prévue dans le bail commercial est la résiliation du bail. Cette résiliation peut se faire de plusieurs manières :
- La majorité des baux commerciaux contiennent une clause résolutoire. Cette clause prévoit la résiliation automatique du bail si le locataire ne respecte pas ses obligations, notamment celle de se conformer à la destination du local. Si le locataire exerce une activité différente de celle prévue, le bailleur peut invoquer cette clause pour mettre fin au contrat après une mise en demeure restée sans effet.
- Si le bail ne contient pas de clause résolutoire, le bailleur peut demander au juge de prononcer la résiliation judiciaire du bail pour manquement du locataire à ses obligations contractuelles. Le juge appréciera la gravité du non-respect de la destination et décidera s’il justifie la résiliation du contrat.
La demande de remise en conformité
Avant d’en arriver à une résiliation, le bailleur peut demander au locataire de se remettre en conformité avec la clause de destination du bail dans un délai d'un mois suivant un commandement dans le cadre de l'application de la clause résolutoire. Cela implique que le locataire cesse immédiatement l’activité non conforme et reprenne l’activité prévue dans le bail. Si le locataire s’exécute rapidement, il est possible d’éviter des sanctions plus lourdes.
Respecter la destination d’un local commercial est fondamental pour maintenir un bail en conformité avec le contrat et éviter des sanctions. Que ce soit lors de la rédaction de la clause ou en cas de changement d’activité, une communication claire avec le bailleur et une gestion proactive des procédures sont essentielles. En cas de manquement, les conséquences peuvent être graves pour le locataire, justifiant une vigilance accrue sur ce point du contrat.